16 novembre 2005

Chapitre 3 - Voyage à Casablanca

Khalid est quelqu'un de très serviable. Malheureusement, à cette époque, lui aussi était instable psychologiquement. De plus, notre relation ne reposait plus sur des bases saines, malgré tout ce que l'on a pu construire ensemble lorsque je vivais à Paris. Il s'était violemmentdisputé avec ma mère, au téléphone mais aussi par e-mail. Je n'ai pas pu avoir accès à leur correspondance, mais ma mère m'avait fait lire une lettre d'insultes qu'il lui avait envoyée.

De mon coté, je cherchais à me séparer de lui, mais tout en douceur. Car je savais, par expérience que ce n'est vraiment pas quelqu'un à se mettre à dos.

Fidèle et généreux en amitié, lorsqu'il n'appréciait pas quelqu'un, il le détestait.

Ma mère avait réussi à me transmettre la phobie qu'elle avait de ce personnage. Pour elle, il est la cause unique de mes malheurs. De mon coté, j'était toujours engagé avec Khalid. Je n'avais pas encore pu acquerir la carte grise de mon véhicule et j'étais obligé de coopérer et de garder de bons rapports avec lui.

Un autre défaut de Khalid est que c'est quelqu'un qui ne supporte pas les blancs dans les conversations. Si l'on se met à l'écouter, il n'arrête pas de parler. Expériences personnelles, façon de réfléchir, malheurs, business de voitures, j'ai eu l'occasion de savoir beaucoup de choses sur ce singulier personnage au fur et à mesure que je le fréquentais.

Mais ce jour là, je n'étais vraiment pas en condition de supporter ses discours. On a beaucoup discuté de ma mère (en bien comme en mal). On a parlé de son histoire, son parcours, sa qualité de femme chef d'entreprise, de mère, bref, tout sur ma mère (ou presque). Mon objectif était de lui démontrer que c'est une femme au grand coeur, et qu'il avait tort de se sentir insulté ou traité d'escroc par elle. J'ai eu l'impression qu'il était le seul à avoir connu autant de problèmes dans sa vie, et que dans l'histoire, il était Le bon. Il cherchait peut-être à me mettre de son coté et avait réussi à me monter contre ma mère. De mon coté, je cherchais inconsciemment le substrat qui me permettrait de reprocher des choses à ma mère, car à Casablanca, j'ai l'impression qu'elle est perçue comme la femme parfaite, la mère idéale, la chef d'entreprise engagée et exemplaire. Dans ces conditions, on a du mal à faire mieux que ses parents, et ça a toujours été un objectif pour moi. Une sorte de jalousie envers ma mère prenait racine peu à peu, et cette discussion avec Khalid pendant les 250 km qui séparaient Tours de Paris arrosait abondamment cette mauvaise herbe qui naissait en moi.

Mon vol avait lieu à 7 heures du matin mais on a dormi entre 2 heures et 4h30 du matin pour être à l'aéroport avant 5 heures 30.

Le vol s'est bien passé, arrivé à l'aéroport, ma mère était là...


On prit la route vers la maison sans trop discuter. Elle était fachée contre moi car j'avais repris contact avec Khalid, et je ne cherchais pas à me justifier. Après tout, j'ai le droit de choisir mes amis même si elle ne les appréciait pas.

Arrivé à la maison, toute la famille était là. Ils étaient venus de fès pour assister au mariage de ma cousine, tout le monde était sur le pied de guerre pour organiser la fête. A la tête de l'équipe, ma mère. A peine le pas de la porte du garage franchie, mes tantes et cousines réunies m'ont adulé en youyous et autres ovations. Accueilli comme un héros, on aurait dit que je venais d'obtenir mon diplôme avec mention... ce n'étais pas encore le cas. Ma mère a encore du donner une importance démesurée à la presentation que je venais de faire quelques jours auparavant.

Je ne me sentais plus chez moi. Mon petit frère Mohammed habitait ma chambre, je n'avais pas le temps de retrouver mes repères tellement il y avait de monde dans ma maison. Je me sentais vraiment comme un hôte à qui on confiera une chambre pendant sa semaine de passage à Casablanca.

Il y avait des cousins partout, les hommes étaient de sortie, faisaient les courses de dernière minute, effectuaient des reservation pour les groupes de musique qui défileront pendant la nuit du mariage. Les femmes étaient dans les cuisines, dans la salle à manger en train de confectionner les petits cadeaux ou les gâteaux qui seront distribués aux invités. Ma mère supervisait les tâches de mes tantes qui n'hésitaient pas à venir la consulter pour lui demander son avis.

Délaissé, quelques minutes plus tard, je montai dans ma chambre, démoralisé, détruit ...

Mon cousin venait me visiter de temps en temps, mais on n'avait rien à se dire. On faisait définitivement partie de deux mondes qui ne se rejoindraient pas. Lui dans sa mentalité marocaine, moi dans ma mentalité mixte, mitigée, sans identité propre à un pays ou à une culture. Je ne me sentais plus aussi marocain que lui, mais je ne le regrettais pas.

J'avais du sommeil à rattrapper. Ca faisait plusieurs nuits que je dormais moins de 4 heures par nuit. De toute façon, pendant les périodes où je fréquentais Khalid c'etait toujours comme ça. J'avais perdu beaucoup de poids. Je pense même que je n'ai jamais été aussi mince. Mon corps voulait crier haut et fort ma maladie, mais il fallait la masquer... du moins jusqu'à après demain, le temps que la cérémonie de mariage se passe bien et que tous les convives venus de fès repartent chez eux. Je suis rentré dans ma chambre, j'ai fermé les volets, et je me suis endormi ... jusqu'au soir. On a voulu venir me réveiller pour le déjeuner, sans succès.

Au reveil, la maison bouillonnait toujours. Cette fois ci, les hommes étaient revenus, les cousins de mon age aussi. Ils étaient en train de rassembler leurs affaires pour s'habiller. J'ai alors décidé de presser le pas pour ne pas être en retard. Après avoir pris une douche, je rejoignis mes cousins qui étaient en train de s'habiller dans la chambre de Karim mon frère cadet. J'avais toujours mon camescope numérique, il fallait que je le teste et que je le configure avant de descendre pour filmer la cérémonie. Je l'ai donc placé sur la télévision, sur l'ordinateur j'ai lancé de la musique Shikhat populaire marocaine et on a commencé à s'habiller en se dandinant sur ces rythmes lents et temporisés. Instant de délires avec mes cousins, strip-tease filmés et autres déconnades. Il fallait se défouler un peu car une fois descendus tout le monde devait être sage. Mon cousin imad, était habillé tout en noir, très élégant, le costume lui allait à merveille. Anas, autre cousin de ma génération avait sorti de son emballage sa meilleure chemise quant aux plus jeunes, leurs mères avaient déjà fini de les habiller.

Ce soir, on allait célébrer le mariage de ma cousine Dounia et de son mari Mustapha...